| dc.description.abstract | La nature du rapport existant entre le sujet et son propre corps, entre les corps des sujets, via la maitrise que l’un peut exercer sur l’autre, ou entre le corps social et le corps des citoyens, voila une vieille question philosophique, theologique, politique et juridique, qui s’est refait une jeunesse avec le developpement des biotechnologies dans leur application a l’homme. Cet "ensemble de techniques et de connaissances liees a l’utilisation du vivant dans les processus de production, et issues des progres recents de la biologie moleculaire" a, en effet, accelere un processus deja bien entame, celui de la patrimonialisation de la personne, qui rogne progressivement le principe seculaire selon lequel celle-ci est placee au-dessus des conventions. Des 1932, on pouvait ecrire : "sans penetrer tout a fait dans le commerce juridique, elle [la personne] voit s’attenuer le splendide isolement ou l’avait placee une longue evolution ; descendue du piedestal ou l’avaient hissee la declaration des Droits de l’homme et le code civil de 1804, elle devient volontiers matiere a tractations, a abandons, a reparations, a combinaisons ; parfois elle est traitee comme une valeur economique et juridique, voire comme un colis ; elle se hausse ou elle s’abaisse, au niveau d’une chose ; elle se commercialise, elle se patrimonialise ; nous serions tente de dire qu’elle s’americanise." A cette epoque, la demonstration de cette affirmation reposait sur l’analyse de la clause d’inalienabilite concernant les incapables, des conventions restrictives de la liberte du commerce, de l’industrie et du travail, du mecanisme des assurances sur la vie, des clauses de nonresponsabilite (transport aerien), de la notion de risque accepte et, enfin, de l’obligation contractuelle de securite. Aujourd’hui, un nouvel argument vient conforter cette these : l’utilisation de plus en plus poussee du corps humain, de la conception a la mort, au moyen de techniques medicales toujours plus perfectionnees grace aux percees foudroyantes de la biologie moleculaire ces trente dernieres annees, le tout s’inscrivant dans la logique generale du progres scientifique, qui lui-meme n’est pas univoque. En effet, si les fins poursuivies sont en principe therapeutiques, elles ne le sont pas toujours en realite, pour deux raisons : d’une part si la recherche pure est un leurre, en ce sens que toute decouverte scientifique vise, a terme, a trouver une application pratique, il y a souvent un fosse, au moins temporel, entre celle-ci et celle-la ; d’autre part, la recherche scientifique est inseparable de la realite economique dans laquelle elle se deploie, qui est celle du marche car le progres coute cher et peut rapporter beaucoup. D’ou cette deuxieme constatation: le corps, objet d’utilisations diverses, a acquis une valeur economique certaine, qui s’attache moins a l’ensemble qu’aux elements qui le composent. Ainsi, le sang en vue de la transfusion, les organes pour les greffes, le sperme et les ovocytes pour l’insemination artificielle, le placenta pour la fabrication de cosmetiques, les embryons pour la recherche sur les debuts de la vie humaine, encore voiles de mystere, tous ces elements ou produits, meme s’ils ne sont pas toujours monnayes, ont une valeur d’echange considerable. | en |
