In eighteenth-century France, there were almost no theoretical evolutions in the judicial field. Yet, ways of judging differed between the beginning and the end of the century. This paper is based on a close reading of requests for royal pardon at two different moments, 1729 and 1775. Although the same judicial categories of Roman origin appear in both contexts, they are not used the same way. At the beginning of the century, most trials were initiated by the litigants, and the narratives deal mostly with the concrete event and its meaning in the social order. In 1775, the context was different: justice was more professional and less interested in the event itself than in the respect of a rule and in the person who trespassed it. The core of the judgment was at this point the intention and motives of the defendant. This analysis explains how these new ways of judging imply new ways of conceiving identity.
Au cours du XVIIIe siècle, la théorie juridique ne connaît presque pas d'évolution en France. Néanmoins, les formes du jugement en acte évoluent. Le point de départ est l'étude minutieuse de deux registres de demandes visant à obtenir la grâce royale, l'un de 1729, l'autre de 1775. Cette étude révèle que dans les deux cas, il est fait recours aux mêmes catégories issues du droit romain pour décrire le délit, mais que leur usage varie. Les demandes de la première période, majoritairement liées à des procédures accusatoires, mettent l'accent sur l'événement concret tel qu'il est survenu et sur son sens dans un système hiérarchique. Celles de 1775, liées à une justice professionalisée, s'intéressent moins à l'événement défini par les parties qu'à la stricte définition légale du délit et à l'individu qui l'a commis, mettant plus nettement au centre de l'évaluation son intention et ses motifs. L'article montre comment, derrière ces nouvelles façons de juger, se profilent de nouvelles manières de concevoir les identités.