À travers le chimiste parisien Jean Hellot (1685-1766), cette thèse rend compte des interactions entre les pratiques savantes, la pensée économique, les rapports productifs et l’environnement au XVIIIe siècle. Jean Hellot est reconnu pour son implication savante et technologique dans la politique du Royaume, lorsque son expertise est mobilisée par l’Académie mais aussi l’État, à travers les instances de commerce et d’industrie, dans les domaines de la teinture textile, des mines, de la monnaie ou encore de la porcelaine, autant de matières qui font l’objet d’un vif intérêt des administrateurs au siècle des Lumières. Hellot représente typiquement cette figure de conseiller scientifique au service de l’État et du développement industriel, figure analysée dans les études historiographiques s’inscrivant à la croisée d’une histoire des sciences, des techniques et de l’histoire économique. Mais au-delà de la posture du savant qui, via des outils scientifiques, justifie et légitime une politique étatique, cette thèse examine aussi la façon dont les chimistes du XVIIIe siècle imposent leur propre vision économique et productive. Bien plus que des considérations purement techniques ou scientifiques qui seraient déterminantes dans l’emploi ou l’amélioration des arts des teintures, de la porcelaine, ou encore de l’exploitation des mines, Jean Hellot formalise une science de l’essai qui embrasse des enjeux environnementaux et commerciaux liés à l’intensification et la globalisation des échanges, qui confronte le savant à de nouvelles ressources et techniques, alimentées par la prospection coloniale. L’économie, la production et la doctrine économique sont à partir des années 1750 marquées par une période de transition souvent décrite par la montée en puissance du libéralisme. Plutôt que d’opposer la force de l’État intégré dans un Ancien Régime productif mercantiliste à celle du « marché » libéral, cette thèse révèle la façon dont se reconfigurent les pouvoirs, et place la focale sur celui de l’expertise chimique, qui se déploie en dehors de l’espace du laboratoire : que ce soit pour évaluer les marchandises, pour apporter des solutions aux problèmes environnementaux ou pour nourrir la promesse d’une transition énergétique basée sur le charbon, le savant chimiste Hellot amorce déjà la justification d’une « naturalisation » de l’intensification de l’exploitation des ressources et des effets collatéraux de l’industrialisation chimique et tinctoriale.
Through the lens of the Parisian chemist Jean Hellot (1685-1766), this thesis explores the interactions between scholarly practices, economic thought, productive relationships, and the environment in the 18th century. Jean Hellot is renowned for his scholarly and technological involvement in the politics of the French Kingdom, when his expertise was mobilized by the French Académie des sciences and by the State, through the trade and industry authorities, in the fields of textile dyeing, mining, coinage, and porcelain, all subjects of keen interest to administrators in the Age of Enlightenment. Hellot is a typical example of a scientific advisor at the service of the state and industrial development, a figure analyzed in historiographical studies at the crossroads of science, technology and economic history. Beyond the posture of the scientist who, through scientific tools, justifies and legitimizes state policy, this thesis also examines the way in which 18th-century chemists imposed their own economic and productive vision. In addition to the purely technical or scientific considerations that would be decisive in the use or improvement of the arts of dyeing, the manufacturing of porcelain, or mining, Jean Hellot formalized a science of testing that embraced environmental and commercial issues linked to the intensification and globalization of trade which, fueled by colonial prospecting, confronted the scientist with new resources and techniques. From the 1750s onwards, production and economic doctrine were marked by a period of transition, often described as the rise of liberalism. Rather than opposing mercantilist Ancien Régime of production, with that of the liberal “market”, this thesis reveals the way in which powers were reconfigured, and places the focus on the chemical expertise, which was deployed outside the space of the laboratory. Whether evaluating goods, providing solutions to environmental problems or nurturing the promise of an energy transition based on coal, the chemist Hellot already justified a “naturalization” of the intensification of resource exploitation and the collateral effects of chemical and dye industrialization.