La globalisation du monde de l’art, tout en élargissant les horizons des acteurs et des observateurs occidentaux vers de nouveaux territoires, focalise leur attention sur des espaces et des temps restreints. L’engouement pour l’effervescente scène artistique d’Istanbul, où a émergé au cours de la dernière décennie nombre de musées, de foires et de galeries, tend ainsi à masquer l’historicité des pratiques artistiques en Turquie. Les rares études qui intègrent cette perspective historique ont tendance à montrer une histoire linéaire d’un « art turc » qui suit les évolutions de l’histoire de l’art mondial. Contre cette vision universalisée de l’art, cet article propose des outils théoriques et méthodologiques pour mieux comprendre comment les différentes façons de faire et de penser l’art ont été appropriées au sein des organisations des mondes de l’art. Dans un premier temps, nous nous appuyons sur la socio-histoire des pratiques artistiques et des acteurs du monde de l’art pour identifier les ruptures esthétiques et organisationnelles. Dans un second temps, nous montrons comment l’analyse lexicométrique et la cartographie permettent d’identifier et de situer des conventions différentes au cœur de mondes de l’art qui coexistent dans la période contemporaine.
The globalisation of the art world, while expanding the horizons of Western actors and observers towards new territories, focuses their attention on restricted times and spaces. The excitement for the vibrant art scene of Istanbul, where, in the last decade, numerous museums, fairs and galleries have emerged, tends to hide the historicity of artistic practices in Turkey. The few studies that integrate this historical perspective tend to argue that the history of “Turkish art” follows the evolution of global art. Against this universalized vision of art, this article proposes theoretical and methodological tools to better understand how the different ways of making and thinking art have been appropriated within art world organisations. Firstly, we draw on social history of artistic practices and of the art world, in order to identify aesthetical and organisational ruptures. Secondly, we show how lexicometric analysis and cartography enable to identify and situate different conventions within art worlds that coexist in contemporary times.